DRAPEAU DU PAYS : « IL FAUT PARVENIR
A ELARGIR LE CONSENSUS
DANS LA POPULATION »

2010 – Les Infos

Les Infos : Vous avez siégé dans le Comité de Pilotage des Signes Identitaires, que pensez-vous des développements récents sur le futur drapeau du pays ?
J-R Postic : Mon premier sentiment fût un peu de déception car avec quelques amis de Calédonie Mon pays, nous avons milité depuis 2004 pour la création d'un drapeau qui aurait été le fruit d'un travail commun des indépendantistes et des non-indépendantistes. Cela nous semblait être une solution plus tournée vers l'avenir car ce drapeau original aurait, à notre sens, davantage signifié que le pays entrait dans une nouvelle époque. Bien sûr, nous n'avions pas la naïveté de croire qu'il était facile d'aboutir dans cette voie. Il fallait faire preuve d'écoute, de dialogue et se donner du temps. Et c'est justement là que le bât blesse, le temps a filé, notre démarche n'a pas été relayée et il est affligeant de constater que depuis 1998, cette initiative est restée la seule !
Dans le même temps - et c'est parfaitement leur droit - les indépendantistes ont exploité ce vide et fait du lobbying pour installer progressivement leur proposition de drapeau dans le paysage et le populariser. Ils ont fait leur travail !

Les Infos : Vous avez pourtant soutenu la proposition Frogier d'accepter le drapeau kanak au côté du drapeau français…
J-R Postic : Nous souhaitions une autre démarche mais nous savions qu'il existait un autre scénario, celui qui s'inscrivait dans l'esprit qui a permis la conclusion des Accords de Matignon et de Nouméa et qui reposait sur la méthode des concessions réciproques. A l'évidence, c'est la voie qu'a privilégié le député Frogier, la perspective de nouvelles négociations sur la suite de l'Accord de Nouméa n'étant pas, on le sait, étrangère à ce choix…
Nous nous sommes finalement rangés à cette proposition, soulagés qu'une telle initiative débloque un dossier qui n'avançait pas, mais aussi parce que nous n'avons pas oublié les raisons qui nous ont poussé à l'action politique : être une force de propositions et surtout favoriser la convergence politique et sociétale. Et c'est justement le cas : la proposition de M. Frogier a obtenu l'assentiment des 4/5 èmes des représentants politiques calédoniens. Il ne faut pas « être plus royaliste que le roi » : si le RUMP, classé jusqu'à présent conservateur, fait avancer les choses, il est incompréhensible de ne pas s'en satisfaire.
Dans un domaine aussi sensible, il faut s'extraire des oppositions politiciennes et des ressentis à l'égard de telle ou telle personnalité politique. Il faut savoir être pragmatique lorsqu'un consensus significatif se dégage et privilégier la bonne évolution du pays, même si cela ne correspond pas tout à fait aux options que vous aviez choisies ou si on ne vous reconnaît pas forcément pour le travail fourni …

Les Infos : Justement, que pensez-vous de la position adoptée par M. Gomès ?
J-R Postic : Je pose simplement la question : à quel moment M. Gomès s'est-il investi sur le dossier des signes identitaires depuis 1998 ? Après tant d'années de silence – que l'on pouvait prendre pour du désintérêt – il est difficile d'être crédible si on se borne à réagir à une initiative pouvant enfin débloquer ce dossier devenu problématique. Il est évident que les indépendantistes s'acheminaient vers un boycott des Jeux du Pacifique si nous n'avions pas de drapeau propre.
L'attitude de M. Gomès est d'autant plus discutable qu'il est au pouvoir depuis 2004 : pourquoi n'est-il pas intervenu pour faire avancer la réflexion vers un drapeau plus « consensuel » ? Pire : pourquoi, une fois arrivé à la présidence du gouvernement, n'a-t-il pas prolongé le travail du Comité de Pilotage institué par son prédécesseur Harold Martin et Mme Déwé Gorodey, qui avait entamé la réflexion sur le drapeau et le nom du pays ?
Les arguments entendus de la bouche de M. Gomès à propos de la création d'un « drapeau calédonien » sont ceux que nous utilisons depuis des années lors des campagnes électorales et de la Fête de la Citoyenneté. Nous aurions été heureux d'être rejoins et relayés dans cette réflexion…
Si l'idée d'un drapeau original a, pour l'heure, perdu la partie, M. Gomès ne doit s'en prendre qu'à lui-même : il pouvait influer sur le cours des choses et il ne l'a pas fait…

Les Infos : Quelle suite prévoyez-vous à ce dossier des signes identitaires ?
J-R Postic : M. Frogier a enfin ouvert le débat et si une majorité politique s'est montrée favorable à ce qu'il a proposé sur le drapeau, il faut parvenir à élargir ce consensus dans la population. Aux indépendantistes « de rendre leur drapeau plus acceptable aux non-indépendantistes» selon les termes du député. Il leur revient en effet de choisir le moyen d'en faire un drapeau accepté par le plus grand nombre et de l'installer comme symbole du pays : cérémonie solennelle où le FLNKS lègue son drapeau au pays ? Intégration dans leur drapeau d'un élément graphique permettant aux non-kanaks de se sentir représentés ?…
Laissons-les faire le choix de la méthode et travaillons à développer un large consensus autour de notre futur drapeau ! Un consensus qui sera peut-être plus facile à trouver qu'on ne croit selon le député européen Maurice Ponga, qui rappelait que « toute une génération de jeunes Calédoniens n'ont pas vécu les événements et n'ont donc pas la même vision du drapeau kanak que leurs parents ».
Derrière la question du drapeau se profile bien sûr celle du nom du pays et à ce propos le choix devra se faire parmi les quatre hypothèses suivantes :
— le maintien du nom actuel « Nouvelle-Calédonie »
— l'adoption du nom proposé par les indépendantistes « Kanaky »
— l'adoption d'un nom composé « Kanaky-Nouvelle-Calédonie » ou « Nouvelle-Calédonie-Kanaky »
— l'adoption d'un nom d'origine kanak
Puisqu'il faut alimenter le débat, j'opterai soit pour le maintien de l'actuel nom soit pour un nouveau nom d'origine kanak, une belle façon de rompre avec un passé qui divisait et de se tourner résolument vers l'avenir…

Les Infos : Ne pensez-vous pas que la question des signes identitaires aurait mérité un meilleur traitement depuis 1998 ?
J-R Postic : Par définition, nous touchons à l'identité, c'est-à-dire au ressenti, à l'être et à la culture des gens et plus largement à leur place dans ce pays. Nous sommes donc sur un terrain rendu très sensible par notre histoire et il n'est pas étonnant que la population ait du mal à progresser dans ce débat, surtout lorsque les « élites » ne s'y investissent pas elles-mêmes. On a bien remarqué que jusqu'à présent, les responsables politiques ont pour la plupart sérieusement manqué de volontarisme, sans doute par excès de prudence électorale…
Disons que dans ce domaine, il fallait que le temps se déroule pour que la réflexion supplante les appréhensions…
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